• Sonnet : A Madame

     





    Jeune ange aux doux regards, à la douce parole,
    Un instant près de vous je suis venu m'asseoir,
    Et, l'orage apaisé, comme l'oiseau s'envole,
    Mon bonheur s'en alla, n'ayant duré qu'un soir.


    Et puis, qui voulez-vous après qui me console ?
    L'éclair laisse, en fuyant, l'horizon triste et noir.
    Ne jugez pas ma vie insouciante et folle ;
    Car, si l'étais joyeux, qui ne l'est à vous voir ?


    Hélas ! je n'oserais vous aimer, même en rêve !
    C'est de si bas vers vous que mon regard se lève !
    C'est de si haut sur moi que s'inclinent vos yeux !


    Allez, soyez heureuse ; oubliez-moi bien vite,
    Comme le chérubin oublia le lévite
    Qui l'avait vu passer et traverser les cieux !






     


    Alfred de Musset